MARINE VENITIENNE

Indice Anagrafico dei corsari operanti nel Mediterraneo:

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Venise, ses canaux, sa place Saint Marc et ses Lions, le Rialto, les verres de l’île de Murano  ; ces quelques symboles témoignent de son histoire et de sa puissance passée.

Actuellement petite ville touristique (~60000 habitants) luttant contre la montée des eaux, elle a été LA république maritime qui s’est créée un empire au Moyen Age allant des contreforts des Alpes aux côtes asiatiques. Son influence était telle qu’elle réussit à détourner une croisade pour son profit (la 4ème contre Constantinople) et à envoyer des marchands, les Polo, en Chine.

     INTRODUCTION

Venise considère l’Adriatique comme son pré carré, son Mare Nostrum. Toutefois à la fin du 15ème la menace de l’Empire Ottoman se profile à l’horizon. La lutte atteint un premier summum avec la victoire des Chrétiens de la Sainte Ligue, dans laquelle Venise est un des principaux acteurs, de Lépante en 1571, qui stoppe momentanément cette avancée. Il s’ensuit une période au cour de laquelle Venise réussit par sa diplomatie à éviter la confrontation directe avec la puissance ottomane. Malheureusement, le modus vivendi qui s’était instauré se rompt en 1644 et Venise entrera dans une période ou elle affrontera par trois fois cette puissance ottomane.
Nous analyserons ces trois conflits (La Guerre de Candie  : 1645-1669, La Guerre de Morée  : 1684-1699, La Guerre de 1714-1718) du point de vue maritime et étudieront les évolutions, changements et persistances dans les structures de cette marine militaire vénitienne.

PREMIERE PARTIE  : Les 3 conflits vénéto-turcs de 1645-1669, 1684-1699 et 1714-1718

     A La Guerre de Candie  : 1645-1669

Après les déconvenues de Lépante et des années 1620-1630, le parti pro belliciste à Constantinople cherche à se donner un nouveau souffle et considère que les territoires Vénitiens sont une cible facile, notamment la Crête qui occupe une place stratégique majeure dans la mer Egée. Les relations se dégradent à partir de l’année 1638. En cette année là, la Sérénissime s’empare de quelques villes en Dalmatie mais surtout l’amiral Marino Cappello détruit à Valona 16 navires barbaresques qui avaient commis des déprédations en Italie du Sud et capturés quelques navires dans lesquels les Vénitiens avaient des intérêts. Cet incident est sans lendemain car le sultan est engagé dans un conflit difficile avec la Perse.
C’est un autre fait qui servira de casus belli. En 1644, 6 galères maltaises capturent plusieurs navires du convoi d’Alexandrie. Parmi les passagers, se trouverait une des concubines du Sultan avec un fils qui se fera chrétien et prêtre par la suite. Le fait est que ces navires ont utilisé comme base pour se ravitailler la Crête. Cet évènement servira de prétexte au Grand Vizir pour rompre les relations. Venise qui n’est pas dupe s’était préparé à se défendre en renforçant ses troupes et ses fortifications, mais aussi son secteur maritime  : elle achète des quantités de bois et autres matériaux qu’elle fait venir d’Allemagne, des Alpes et de tout son territoire afin de pouvoir construire et maintenir 12 galéasses et 100 galères  !
Le 30 avril 1645, la flotte turque forte de 80 galères, 2 mahones ou galéasses turques, 20 navires à voiles et 200 transports quitte Constantinople et le 24 juin elle débarque plus de 80 000 hommes à La Canée. Venise ne peut faire appel aux autres puissances européennes engagées dans la terrible guerre de Trente Ans  : elle ne reçoit l’aide que du Pape, de Malte, de la Toscane et de quelques autres princes italiens. La flotte chrétienne rassemblée à la Sude comporte 62 galères, 6 galéasses, 40 grands navires et 20 petits portants 3000 canons, 15000 soldats, 10000 marins et 12000 galériens. Malgré cette force et l’insistance des différents commandants, l’amiral Cappello ne se décide pas d’attaquer la flotte turque. Il ne veut pas tout jouer sur une seule bataille et après de long mois inutiles, rien n’est fait à l’arrivée de l’hiver 1646  ; et les alliés retournent chez eux. L’année 1646 se déroule de la même façon qu’en 1645.
Toutefois il faut signaler à cette date la présence de français au côté des Vénitiens. En effet, le cardinal de Mazarin afin de ne pas s’aliéner les Vénitiens et se brouiller avec les Turcs, se rallie à l’idée d’autoriser la Sérénissime de recruter des volontaires parmi les soldats et marins français. En 1645 il leur offrit 4 brûlots de Toulon (La Marguerite du Levant, la Terre de Promission, l’Amitié et le Petit Turc). Guillaume Du Post de Montade en Toscane et le commandeur François de Neuchèze aux Provinces-Unies arment sous des prêtes noms Vénitiens. Toutefois seul Neuchèze sera prêt car la mort de Maillé-Brézé en 1646 force Mazarin à ordonner le retour de Montade en France afin de protéger les côtes. L’escadre de Neuchèze se compose de 4 vaisseaux achetés aux Provinces-Unies (la Pucelle, le Grand Maltais & le Grand Alexandre tous à 700 tx, le Fort à 500 tx); 2 frégates de Brest (l’Orange & la Croix de Malte) et des navires armés à Florence (l’Alexandre du Levant, l’Aigle Noir, le St Etienne, le Mercure, le Dauphin & l’Anglais). Afin de ne pas confondre la France dans cette entreprise, Neuchèze laissera toutes ses commissions à Toulon.
Le principal théâtre d’opération concerne la Mer Egée toutefois tout au long de ce conflit, dans l’Adriatique et le long des côtes dalmates, la flotte vénitienne organisera quelques coups de mains afin de ravitailler les points détenus mais aussi soutenir les éventuels révoltés.
1647 constitue le début d’une phase que l’on peut caractériser par la volonté de la Sérénissime de porter le danger auprès de l’Empire Ottoman et de l’empêcher d’acheminer des troupes en Crête. Ainsi cette année là, l’amiral Mocenigo décide de bloquer les Dardanelles. La rencontre près de l’île de Chios restera indécise  : les Vénitiens avaient 16 galères et 13 navires ronds contre 4 mahones, 30 galères et 27 navires du côté turc. En mars 1648 une terrible tempête surprend la flotte vénitienne à Psara  : 18 des 20 galères ainsi que 9 navires sont perdus, l’amiral Grimani et 2000 hommes sont tués.
En 1649, l’amiral Riva avec sa flotte de 19 navires loués aux hollandais et anglais attends les galères qui opèrent en mer Egée à partir de Crête. Il force le passage à Fochies près de Chios et à Smyrne détruisant une partie de la flotte ottomane elle-même constitué de navires anglais, français et hollandais. Ces opérations marquent un coup d’arrêt de la progression turque sur l’île de Candie. La supériorité maritime de Venise permet que Candie ne soit pas bloquée. Perpétuellement, jusque quasiment à la fin de la guerre, de nouvelles unités notamment des étrangers seront amenées pour remplacées celles détruites. Devant la supériorité maritime vénitienne, les Turcs réagissent en menant un politique navale de grande envergure qui se traduit par une hausse des constructions et un accroissement d’achat de navires auprès des Occidentaux (  ! sic). En juin 1651, la flotte turque forte de 55 navires 53 galères et 6 mahones quitte Constantinople avec pour mission de détruire la flotte vénitienne. La rencontre a lieu près de l’île de Santorin. Alvise Mocenigo, amiral vénitien ne dispose que de 28 navires, 24 galères et 6 galéasses. Les Vénitiens s’en sortent en capturant 1 mahone et 10 navires et détruisant 5 autres faisant plus de 1000 prisonniers. A la suite de cette défaite, les Turcs éviteront en 1652 et 1653 une confrontation directe avec la flotte vénitienne et enverront de petites flottilles ravitailler leurs troupes en Crête à partir des îles Egée et de l’Anatolie. En retour, les Vénitiens sous l’amiral Foscolo collecteront des tributs auprès de ces mêmes îles et ravageront celles qui leurs résistent comme Samos. Ces succès poussent Venise en 1654 à envoyer sa flotte au-delà des Dardanelles d’où la panique à Constantinople. A la suite des combats, les Turcs sont tactiquement victorieux car ils capturent quelques navires, mais cette expédition initie le début de la révolte des spahis et des janissaires dans la capitale. Venise en 1655 renouvelle l’opération et envois une flotte de 6 galères, 4 galéasses et 26 navires. Le 21 juin, elle rencontre la flotte turque et avec une modeste perte de 300 morts et blessés, elle coule 9 galères et en détruit bien plus. 1656 voit une nouvelle défaite turque  : sur les 79 navires seul un bon quart en réchappe (22 navires, 4 mahones et 34 galères détruites  ; 4 navires, 5 mahones et 13 galères capturées avec 8000 prisonniers sans compter les galériens libérés) alors que seul 3 navires Vénitiens sont perdus, 800 hommes hors combat dont l’amiral Lorenzo Marcello tué. A la suite de cette opération, les Vénitiens capturent les îles à l’entrée des Dardanelles, Tenedos, Lemnos et Samothrace qu’ils fortifient.
En 1657, la flotte chrétienne composée de Vénitiens, de Pontificaux et de Maltais sous le commandement du romain Giovanni Bichi, un proche du pape, retourne dans les environs. La jonction des différentes parties avait été retardée par une épidémie à Civitavecchia. Fin juin, ils passent les Dardanelles mais perdent plusieurs centaines d’hommes qui étaient partis en aiguade. La flotte turque attendait leur venu. La confrontation a lieu le 3 juillet avec une nouvelle victoire vénitienne avec une demi-douzaine de navire détruits et autant de galère. Le lendemain, l’amiral Alvise Mocenigo veut compléter la victoire en voulant détruire les galères réfugiées près des batteries. Mais un coup au but atteint le magasin des poudres de sa galère et celle ci explose avec tout son équipage. Le reste de la flotte s’enfuit. Plus tard près de l’île Spalmadori  ; un nouvelle rencontre tourne à l’avantage des Vénitiens pour 500 hommes hors combat. Cette bataille constitue une phase finale. Les Ottomans construisent des forts plus forts et mieux armés. La flotte vénitienne est plus faible que celle des Ottomans mais elle contient de plus en plus de navires alliés  : en 1658 le pape envois 5 galères et 10 vaisseaux portant chacun 30-40 canons  ; Malte c’est 6 galères et une douzaine de navire de transport. Cette flotte n’a pas de but et cette année les Turcs reprennent les îles aux bouches des Dardanelles. L’action de la flotte est supplée par des actions corsaires qui rendent la mer Egée dangereuse.
Malgré le renforcement des Dardanelles, les Vénitiens continuent leur succès de désorientation de la politique ottomane. Les défaites, le paiement irrégulier des salaires pourrissent les relations entre les janissaires et le sultan. En 1648 ils avaient remplacé Achmed par Mehemet IV. Les luttes d’influence au harem et la pression fiscale provoquent une situation économique déplorable, caractérisée par une inflation croissante. Un début de rétablissement intervient avec la nomination en octobre 1656 comme grand vizir de Mehmed Pasha Koprulu. Venise bénéficie fin de la décennie 1650 d’une présence de plus en plus fortes de contingents de différents princes européens dont la France, l’Espagne. Par ailleurs, à partir de 1660, le commandement suprême est accordé au patricien Francesco Morosini. Le Blocus continue sans rencontres maritimes majeurs. La période 1666-1669 se caractérise sur l’île par les luttes les plus intenses et forcera Morosini à se rendre. Il faut dire qu’entre 1667 et 1668 la place forte avait subit 69 assauts, 1364 mines explosés et près de 100 000 turcs tués. De leurs côtés, les Vénitiens ont lancé 96 sorties, utilisés plus de 53000 tonnes de poudre et perdus plus de 29000 hommes morts. Venise garde quelques places dans l’île et mis à part quelques engagements en Dalmatie la paix est finalement signée en octobre 1671.

  B La Guerre de Morée  : 1684-1699

Après la signature de la paix, la Sérénissime ne désarme pas malgré le retour à la normale des relations commerciales. Elle reste sous la menace de pirate, terme utilisé pour désigner les Barbaresques et autres qui leurs sont proches, qui se sont installés sur les côtes dalmates (Castelnuovo et Dulcigno) et albanaises sous suzeraineté turque. Elle réussit le pari de restaurer rapidement ses finances et de régler ses dettes contractées lors du précédent conflit. Ses finances lui permettent de continuer sa politique de construction de navires à haut rang ou de ligne.
Cette politique de construction concomitante à sa neutralité dans les conflits entre nations européennes depuis les années 1610-1640 ne sont pas sans incidences dans le déclenchement du second conflit du 17ème avec l’Empire Ottoman. Ce dernier avait reprise sa marche de conquête vers les plaines danubiennes. En 1683, l’armée ottomane atteint Vienne qu’elle assiège. Le pape Innocent XI appelle à la rescousse des troupes mais Venise fera la sourde oreille. Mais voyant la victoire chrétienne, elle change d’opinion et de politique. En février 1684 le leader au Sénat Piero Valier soutien l’intervention sur la base de la supériorité de la marine vénitienne. Il propose d’attaquer les premiers en faisant entrée l’escadre en mer Egée, détruisant la flotte ottomane puis atteignant les Dardanelles et conjointement à l’armée polonaise descendant de l’Ukraine au travers du bas Danube, ils auraient assiégé Istanbul  ; tandis que les Autrichiens retenaient en Hongrie le gros des troupes turques. La défaite devant Vienne et le sentiment diffus de supériorité de la flotte amène les Sénateurs de Venise à entrer dans la Sainte-Ligue, le 5 mars 1684.
En 1684 Venise se retrouve avec 16 navires de ligne (12 publiques et 4 louées), 6 galéasses et 28 galères. Suite à ce projet d’attaque, d’autres états italiens proposent leur aide militaire ou financière. Le grand duc de Toscane envois 4 galères et plusieurs centaines de soldats  ; le pape ses 5 galères et 400 hommes et Malte 7 galères et 1000 hommes. Ces soldats rejoignent la flotte vénitienne qui se concentre à Corfù. En effet, le plan est totalement modifié. Le projet de Valier est trop beau et comporte de nombreuses erreurs d’appréciation et des lacunes  : Valier surévalue sa flotte et celle ottomane ne cherchant pas le contact se réfugie à Chios et Rhodes à l’abri des fortifications. De plus Dardanelles ont reçu des fortifications modernes et l’armée polonaise voit son avancée retardée, le plan est donc abandonné. Il ne reste plus qu’à la flotte vénitienne de trouver des cibles stratégiques dans la Mer Egée. C’est ainsi qu’au cours des deux premières campagnes des attaques sont menées sur les côtes dalmates et albanaises (siège de la forteresse de Santa Marta, capture de Nauplie et de Koron). Un tournant naît avec la politique et la stratégie de Francesco Morosini, celui qui avait signé la capitulation de la Crête. Il dirige la flotte notamment celle dite sottile, celle des galères, mais il a aussi pouvoir sur l’armée même si elle reste dirigée par un général. Il entame au cours de ce conflit un début de réforme des troupes et forces vénitiennes. Il intègre parmi l’armement des galères, une arme terrible dont les Français sont les concepteurs et les premiers utilisateurs lors du bombardement de Gênes, le mortier. Cet instrument d’une efficacité redoutable permet de soutenir les sièges et de capturer ainsi en 1686 Argos, en 1687 Patras et Corinthe. En septembre 1687 Francesco Morosini bombarde Athènes et un de ses canonniers envois un boulet qui fait exploser la poudrière turque qui se trouvait au Parthénon. Toutefois, il sera forcé d’abandonner la ville en mars 1688 car difficile à défendre. Par ailleurs, il a réunit la quasi-intégralité de ses forces devant Negroponte  : 16 600 hommes qui sont soutenus par 7000 grecs et monténégrins. Toutefois, le blocus incomplet, le feu des longs canons et la peste le forcent à se replier à la fin de l’année. Ce n’est pas la seule flotte active. Ainsi l’amiral Cornaro renforcée par les unités de Malte, du Pape, de Toscane et de Gênes capturent après 1686 des points d’appuis comme Castelnuovo en Dalmatie et mène une guerre de guérilla et de débarquement sur la côte qui va de Valona en Albanie à Lepante en Epire. En 1687 l’amiral Venier repousse la flotte turque de Mitylene.
1689 la guerre entre dans une nouvelle phase  : Francesco Morosini est élu Doge. Les ravages causés par les Français dans le Palatinat amène l’empereur d’Autriche à réduire ses armées à l’Est, ce dont les Turcs mettent à profit. Ils perdent pourtant Monemvasia mais Venise a du mal à maintenir en permanence une force de 8000 hommes à Corinthe et les mutineries pour cause de retard de paiement sont plus nombreuses. En 1690 l’amiral Dolfin avec 12 navires repousse une flotte turque de 36 navires avec peu de pertes. En 1692 l’amiral Corner tente de s’emparer de la Crête mais elle est trop bien défendue. La Sérénissime se rend compte que ce n’est pas sur terre que des choses décisives auront lieu du fait de la faiblesse de son armée, mais sur mer ou elle a la supériorité. Toutefois elle oublie un peu que les Turcs sont en train de commencer le rattrapage technologique et technique qui les sépare des Vénitiens.
L’armée étant démoralisée, le Sénat nomme Francesco Morosini désigné pour reprendre les opérations en Morée, mais il meurt le 6 janvier 1694 âgé de plus de 70 ans. Il n’a pu mener à terme son plan de défaire les Turcs dans une unique bataille. Antonio Zeno le remplace. Le conseil lui propose d’attaquer Chios avec 10000 hommes et de laisser 3000 en Corinthe indiquant que cela suffirait pour retenir les Turcs  ; Francesco Morosini avait toujours préconisé de ne pas diviser les troupes. 7 septembre 1694 Zeno débarque à Chios et s’empare facilement de l’île. Il espère que la flotte adverse va quitter Smyrne pour combattre ses forces constituées de 21 navires, 6 galéasses, 34 galères et 50 transports. Mais c’est un espoir vain. Les Turcs attendent leur moment  : il est vrai qu’à ce moment là ils renforcent leurs 20 navires à voile dirigés par des anglais, français, hollandais et des renégats ainsi que les 30 galères qu’ils leurs restent. Ils attendent le départ des unités navales italiennes, le renvoi de troupe à Corinthe mais aussi de l’impossibilité par Zeno de faire fortifier l’île ainsi que du mauvais comportement de ses troupes avec les populations  ; pour le 9 février 1695 engager le combat avec la flotte vénitienne. Les Turcs disposent de 20 navires et 24 galères. Les Vénitiens dominent mais à la fin de journée 3 de leurs navires explosent et les pertes s’élèvent à 2500 hommes. Le combat reprend 10 jours plus tard  : la lutte est acharnée des deux côtés faites d’abordage et canonnades. Les Vénitiens subissent plus lourdement les pertes du fait de l’éloignement de leurs bases. Le 21 février 1695, Zeno décide d’abandonner l’île  ; la retraite n’a pas lieu sans de sérieuses pertes dues notamment à l’échouage de quelques transports. Cet échec est durement ressenti à Venise car c’est la première défaite devant les Turcs depuis La Prevesa en 1538, et de nombreux commandant de navires sont envoyés en prison.
Ces pertes cumulées diminuent fortement le potentiel de la marine vénitienne. Jusqu’à la signature de la paix de Carlowitz en 1699 la position des deux adversaires des deux côtés de l’isthme de Corinthe ne change pas. Quelques batailles navales marquent la continuation du conflit  : chacun des adversaires avec sa trentaine de navires de haut rang se rencontre encore 7 fois (en 1697 à Mitylène par exemple) mais cela reste des rencontres meurtrières et indécises, signe que les Turcs égalent dorénavant les Vénitiens. La Paix de 1699 bon compromis car permet de garder les avances de 1684-1687.

C La Guerre de 1714-1718

Après paix de 1699, Venise maintien une force armée qui représente plus d’1% de sa population soit un niveau atteint par la France, le Piémont et quelques états allemands seulement  ! Venise reste neutre au cours de la guerre de Succession d’Espagne, mais elle ne peut  empêcher les belligérants de traversée son territoire ou de fourrager sur ses terres. Elle subit même le raid du chevalier Claude Forbin en 1701-1702 qui vient détruire des navires en constructions destinés aux ennemis de la France.
Avec la reprise de la guerre russo-turque en 1710-11, Venise espère en profiter pour étendre son emprise. Elle veut éliminer les nids de pirates qui utilisent les ports turcs mais aussi obtenir le statut tant convoyé de “  la nation la plus favorisée  ” accordé aux français, anglais et hollandais. Mais sa position se complique avec la victoire turque en 1713. L’empire ottoman renforcé par cette victoire souhaite en finir avec Venise et en 1714, le grand vizir Damad Ali Pasha commence à concentrer des troupes. L’année suivante, il concentre 58 vaisseaux et 30 galères alors que Venise ne dispose que de 19 navires et 15 galères. L’attaque est lancée et entre mai et septembre 1715, l’armée turque forte de 100 000 hommes s’empare sans difficulté de la Morée. La flotte vénitienne préfère éviter le combat et se retire. En 1716 Corfù devient la cible des Turcs  : sa garnison de 8000 hommes doit faire face au débarquement turc de 30000 soldats. Inquiet de la chute des territoires Vénitiens en Grèce, les Etats catholiques réagissent et se mettent à envoyer des forces. Le Pape, l’Espagne, le Portugal, Malte et la Toscane permettent à Venise de se constituer une flotte de 27 navires opposés aux 50 turcs. C’est sans compter aussi sur les galères et autres navires de transports qui amènent des troupes en renfort à Corfù. En juillet 1716 la flotte chrétienne y compris espagnole et napolitaine est forte de 69 navires de ligne 3 galéasses 49 galiotes et 2 brûlots. L’Autriche entre aussi dans le conflit et son armée est dirigée par le prince Eugène de Savoie. Cette mobilisation porte ses fruits  : les Turcs abandonnent le siège.
Le Sénat avait été réticent dans l’utilisation de la flotte dans une confrontation directe. Elle n’a servi qu’aux transports de troupe et à quelques bombardements contre des ports dalmates en soutien à des rebellions locales. La confiance revient en 1717. Cette année là, l’amiral Flangini se décide à bloquer les Dardanelles avec ses 26 navires. Il combat pendant deux jours une flotte turque de 38 navires et perd 1400 hommes ainsi que sa vie. Son successeur Diedo est rejoint par 10 navires catholiques et 20 galères (dont 5 maltaises et 2 toscanes). En juin et juillet 1718 plusieurs rencontres au lieu au cap Matapan sans être décisives mais les pertes se montent à 2400 hommes. Venise commence à faire des progrès quand subitement en 1718 l’Autriche se décide à faire la paix. Au traité de Passarowitz, Venise garde les îles Ioniennes, quelques villages en face de l’île de Corfù et maintien du statu quo en Dalmatie mais le Peloponnèse et les îles en mer Egée sont perdus. Venise sera en paix jusqu’en 1797 avec la Porte.

Les structures et leurs Evolutions

A De la galère au vaisseau de ligne1

Depuis le Haut Moyen-Age, Venise utilise principalement comme toutes les autres puissances méditerranéennes, les navires à rames des galères surtout et des galéasses dont le rôle ne sont pas négligeables à Lépante. Ces galères forment ce qui est appelé “ l’armata sottile ”. Concernant la galère jusqu’au milieu du 17ème, je vous renvois à l’ouvrage paru à la suite de l’exposition “ Quand voguaient les galères ” du 4 octobre 1990 au 6 janvier 1991 au Musée de la Marine (éditions Ouest France 1990). Venise dispose de plusieurs arsenaux : celui de la ville mais aussi d’autres secondaires (à Zara, Lesina en Dalmatie, Cattaro, Corfù, Zante et Napoli di Romania) qui peuvent permettre la construction et la réparation de ces navires. L’Arsenal de Venise est pour l’époque l’une des plus grandes manufactures de son époque : entre 1200 et 2000 ouvriers y travailleront lors de la guerre de Candie. Rappelons qu’à la suite de son adhésion la Russie rejoint la Sainte-Ligue en 1686, Venise lui enverra quelques années plus tard en 1696, 13 maîtres charpentiers de l’Arsenal pour construire sa flotte de galère. L’organisation de cet arsenal servira de modèle dans d’autres pays.
En ce début de 18ème siècle, la galère est longue de 50 m large de 7 embarquant 503 hommes et une batterie composée de 4 fauconniers et d’1 canon de cours de 50 livres, remplacé lors de la guerre de Morée par un mortier de 348 mm2. Sur les flancs, sont disposés de 2 à 4 demi canons et 16-20 pierriers avec des espingoles et autres mousquets. Le nombre de grande galéasse à haut bord, faites de 3 arbres latins, 3 bordées avec 36 canons et 1200 hommes ne cesse de diminuer. Le coût de ce type de navire est énorme et explique la réduction : 120 000 ducats pour la construction et 24400 pour l’entretient annuel. Lors de la guerre de Corfù, les 2 galéasses et la bastarda généralizia sont maintenues à effectif réduit soit 534 hommes et 26 pièces d’artillerie (8 couleuvrines, 8 canons, 8 pierriers et 2 fauconniers) avec des mousquets. Il y a aussi quelques navires appelés galiotes. La galiote est forte de 60 hommes avec 1 pièce d’artillerie à la proue et quelques pierriers et bombardes. En 1715 Venise réussira à lancer 22 galères réduites par la suite à 18 galères et 2 galéasses représentants 10000 hommes (2000 marins, 4000 rameurs et 4000 soldats) avec 500 pièces d’artillerie souvent des pierriers de petit calibre.
La formation employée par les galères est celle dite du coin sous divisé en 2 ailes de 9-15 unités avec la Capitane et la Patronne au centre en avance. Chaque extrémité s’appuie sur 1 galéasse et 3 galéasses sont en seconde ligne, une derrière chaque aile et une au centre.
La galère est indispensable, car elle navigue dans des eaux avec peu de fonds, se déplace même s’il n’y a pas de vent, elle peut passer sous la bordée d’un navire de ligne et lui causer des dommages mais le gros inconvénient est ses besoins de se ravitailler (pour nourrir chiourme) donc ne permet pas de maintenir perpétuellement un blocus. Morosini utilise beaucoup les galéasses mais ses successeurs leur reproche de ralentir les galères par beau temps, et de ne pas savoir aussi bien manœuvrer que les navires de ligne. En 1717 les galères et autres galéasses participent pour la dernière fois à la flotte et disparaîtront définitivement en 1755. Cette disparition s’explique par les mutations des forcées navales en Europe et la percée du navire de ligne.
Cette introduction se fait progressive. Au 15ème siècle, il y a eu quelques expériences d’intégration de navire à voile. Mais la rupture n’intervient qu’au 17ème et encore progressivement. Lors de la première phase, 1617-1620 guerre contre le duc d’Osuna gouverneur espagnol de Naples, Venise est contraint de louer des bateaux hollandais et anglais car les navires à voile Vénitiens ne sont pas assez nombreux. Louer est une action facile car Venise dispose de capitaux pour réaliser l’opération. Le Zénith de la location est atteint au début de la guerre de Candie avec en 1645 location d’une quarantaine de navire hollandais, anglais surtout mais aussi français3 et quelques Vénitiens. La seconde phase débute en 1651 à la suite de la capture à la bataille de Paro de trois grands navires turcs qui sont réparés et mis en service dès 1652, formant le nucleus de “ l’armata grossa ” et ces navires sont classés comme navire public. D’autres unités capturées rejoignent le groupe, notamment par Lazzaro Mocenigo défenseur d’une grosse escadre de vaisseaux appartenant à la république. Sa mort en 1657 ralenti le projet mais il est maintenu un nucleus de 3-5 navires publics jusqu’à la fin du conflit et même par la suite. Le fait de louer laissa quelques mauvaises pratiques dans cette flotte : les Vénitiens prirent modèle sur les Hollandais, système dans lequel c’est le capitaine qui se charge de recruter les hommes et de les payer. Le Senat fixe la contribution à 12 ducats par personne lors de la guerre de Candie et 10 par la suite, mais en faisant cela il se coupe de la possibilité de se créer une main d’œuvre nationale et locale qualifiée.
La troisième phase correspond à la construction par les arsenaux Vénitiens de ces navires de ligne. Les navires capturés et loués permirent de mettre en place des escadres d’une vingtaine d’unité. Mais cela n’est pas sans problème : la possibilité de louer des navires est réduite par la multiplicité des conflits entre nations maritimes à partir de 1665 mais aussi par les coûts croissants de cette location. Rien qu’au cours de la guerre de Candie, on estime à + de 17 millions de ducats le coût de la location des navires. Dernières raisons aussi : le manque de fiabilité des navires marchands comme le montre le second conflit anglo-hollandais. Le Sénat prend la décision de faire construire des navires : 2 vaisseaux de 64 canons en 16664, 4 de 44-50 canons en 1672-1674 mais accélération à partir de 1675. La politique française en Méditerranée et les déprédations des barbaresques qui forment des escadres de 6-8 vaisseaux poussèrent à la réalisation de 8 navires en 1675 complétés par 6 autres en 1679. Le Sénat décide aussi de restructurer les quais couverts de l’Arsenal afin de permettre la construction et la rénovation de ces vaisseaux. Ainsi dorénavant, 13 vaisseaux peuvent être armés et protégés. Ce programme de construction diligenté contre les menaces barbaresques et françaises fera prendre conscience à Venise de sa supériorité maritime sur la flotte turque d’où pour la première fois l’initiative d’entrée en guerre en 1684. En 1684 justement, Venise possède 13 navires publics et seuls 2 navires seront loués. Entre 1698-1718, 22 navires de lignes neufs seront intégrés. Ils sont soit construits à Venise soit achetés à Gênes, Livourne et dans les Provinces-Unies. Le plus gros navire construit est le Santo Pio V de 80 canons. En 1718 elle a 28 navires portant 10121 hommes (4600 marins et 5500 soldats) et 1200 canons. Toutefois, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions Vénitiens : le vaisseau de ligne, outil nouveau, avait plus de qualité défensive qu’offensive et donc difficile d’usage pour quelqu’un qui comme Venise voulait et devait chercher une victoire rapide contre un ennemi fuyant. La tactique de ligne de file n’est pas adaptée au type de rencontre et d’opération menée dans cet espace maritime. L’armata grossa a souvent eu une fonction de soutien et de protection de l’armata sottile et des convois. Le navire de ligne n’a pas su montrer ses capacités qu’il a dans les autres mers.
Les navires sont répartis selon leurs canons et leur batterie : les premier rang ou second rang (dit encore grosse frégate) comptent de 60 à 72 canons répartis sur deux rangs, tandis que la frégate légère dispose de 32 canons sur une seule batterie. Il y a deux autres classes inférieures correspondantes aux chébecs et bâtiments légers avec 16-24 canons.
Concernant l’Artillerie vénitienne, il faut signaler que les canons sont classés selon la quantité de poudre utilisée pour la charge et non le poids du boulet. De plus le poids effectif des boulets vénitien en fer plein ont un poids réduit de 30% par rapport aux autres boulets utilisés. Ainsi un canon de 14 qui a correspond à un diamètre de 107 mm tire en réalité un boulet de 10 livres Vénitiens. Le canon est en fer ou en bronze, alors que la couleuvrine en bronze. La couleuvrine est plus lourde, longue, et porte une charge plus importante donc tire plus loin. Un canon de 14 atteint au maximum les 365 mètres mais une couleuvrine de même calibre atteint les 645 m. Venise utilise aussi des mortiers de 500 calibre 336 mm, mais la gamme va de 50 (170 mm) à 1000 (518 mm). Le 500 et le 1000 sont introduits par Francesco Morosini sous l’idée du véronais Antonio Muttoni qui avait servi en France. Ces mortiers sont à l’origine dus succès des conquêtes des places fortes de Morée.

B Le commandement, la direction des navires : un modèle patriarcal hors du commun pour l’époque

A Venise comme à Gênes, le commandement est imprégné par la polyarchie et la collégialité. Les décisions sont réparties entre le Sénat et le conseil des Sages, un organe du gouvernement divers magistratures électives et collégiales. Parmi les 16 sages élus pour 6 mois, 5 dits Savi agli Ordini o da Mar traitent collégialement de toutes les affaires concernant la marine et le commerce. Le nombre de navire à construire et à maintenir est annuellement délibéré par le Sénat, duquel dépend exprès une magistrature adéquate exécutive, les 3 Provveditori all’Armar institués en 1543. Ces Provveditori all’Armar président le collège de la Milice de la Mer (Milizia da Mar) avec des compétences identiques à celle de l’amirauté anglaise. Le collège inclut 3 Sages, un conseiller ducal, I Pagadori da Mar et 3 autres Provveditori (celui de l’arsenal, des biscuits et de l’artillerie) et est compétente pour l’examen et la nomination des commandants et officiers de marine.
En temps de paix, les forces navales et terrestres dépendent des hautes magistratures avec juridiction territoriale et mandat triennal. Ainsi le provéditeur général de Corfou commande en temps de paix la flotte avec le titre de Provveditore Generale da Mar o Levante. De lui dépendait même le Capitaine Ordinaire des Navires commandant de l’Armata dei vascelli (Grossa) en temps de paix. En cas de guerre, le Sénat nomme un Capitaine Général de Mer fonction très dispendieuse et donc monopolisée par les familles éminentes. Mais le rang et le faste de la fonction ne correspondent pas à un adéquat pouvoir décisionnel, car le Capitaine Général commande directement les trirèmes (armata sottile) tandis que le commandement des vaisseaux (armata grossa) est attribué à un Capitaine Extraordinaire des Navires, lui aussi nommé en cas de guerre seulement. Les décisions opérationnelles sont prises collégialement par un conseil composé des Capi da Mar (capitaine de mer), du commissaire, des commandants des escadres auxiliaires et éventuellement de ceux des troupes de débarquement.
Chaque commandant d’armata, dispose un provveditore commissario (intendant), compagno di Stendardo (porte drapeau), 1 chapelain, 1 chirurgien, 1 maître de sa maison avec un personnel de table (cuisinier, serveur etc.) et 2 embarcations (felouque et frégate) avec équipage. Le commandant de l’Armata Sottile prend place sur une galère particulière de grande dimension, sous la direction d’un directeur et dont la chiourme est composée exclusivement de galériens libres recrutés ou volontaires dalmates et d’Istrie. Dans des cas exceptionnels, le Capitaine Général mets son drapeau sur une unité d’un autre type comme en 1715 fait Dolfin sur le vaisseau Terror. Si très peu de capitaines généraux furent reconduits dans leurs fonctions c’est qu’il existe une forte mortalité parmi eux : pendant la guerre de Crète (1645-1669) sur les 10, 5 meurent au combat ou des suites d’une blessure. Durant la guerre de Morée 1684-1699, la fonction est exercée pratiquement par Francesco Morosini (1684-89), Girolamo Corner provveditore generale da Mar l’exerce par interim (1689-90), puis Domenico Mocenigo (1690-93) Antonio Zeno (1694-1695), Alessandro Molin (1695-1698) puis Giacomo Corner (1698-1699). Durant la guerre de 1714-1718 l’office revient à Danièle Dolfin mais il est remplacé pour inaptitude par Andrea Pisani en automne 1715. Les capitaines extraordinaires de la mer en 1714-18 furent Fabio Bonvicini 1714-15 ; Andrea Corner 1716, Lodovico Flagini 1717 mort des suites de ses blessures, Marcantonio Diedo 1717-18. Du capitaine général de la mer dépend le commandant des troupes de débarquement charge généralement exercé par des étrangers : le Suédois Otton Guillaume duc de Koenigsmarck (1686-88), Trautmandorf en 1692 et le Saxon Steinau en 1694.
Le système vénitien de nomination respecte à plein le caractère patricien et oligarchique de la République. Les jeunes patriciens qui se destinent à la magistrature doivent exercer quelques années de service sur les trirèmes avec le titre de “ nobile ”. Il est prévu sur les galères 2 Nobili (1 de couverture) et 4 sur galéasse. De rang inférieur au nobili venitien, il y a les nobili citadins qui servent généralement sur les galères armées et équipées par les villes de la Terre Ferme (la trévisane, la padovane) ou fournies par les îles alliées du fait des traités (ex Zante). Selon leur état de service et leur cens, le conseil de la milice de mer peut les destiner pour une période ultérieur de 3-5 ans à l’office de commandant titulaire de galère (sopracomito) ou de navire de ligne/galéasse (gouverneur) mais en cas de refus de lourdes sanctions ou peines financières sont appliquées. Les sopracomiti et gouverneur ont rang de Capi da Mar. Quelques-uns uns poursuivent leur cursus honorum dans cette voie en ont des charges au niveau de l’Armata (comme almirante, patrono, capitano) auquel est annexé le commandement de formation tactique (ailes de galères, division de navire) ou groupes autonomes (reparto delle galeazze). Parmi les charges dans l’armata sottile, il y a le gouverneur des condamnés et le capitaine dans le Golfe. Ce dernier avait siège à Cattaro avec compétence juridique sur le comté et les forteresses limitrophes et il est responsable de la garde de l’Adriatique et du recouvrement des droits du doge sur le trafic maritime. Il dispose d’une douzaine de galiote et de quelques galères.
Choix des capitaines : fait partie du cursus honorum et donc ceux qui exercent cette activité au début du conflit souvent sont incompétents. Toutefois le système d’élection pour être imparfait n’est pas forcément mauvais : il permet de s’illustrer pour les jeunes nobles ambitieux et courageux dans les combats. Ceux qui perdent sont jugés par le Conseil des DIX et le Sénat et en fonction des factions, soit ils sont condamnés (prison, pertes d’honneurs et d’offices) soit pas.

C Equipage et chiourme

Naturellement ces commandants patriciens sont flanqués d’officiers techniciens (comites de galère ou galéasse, capitaine ou maître de navire) désignés par le Collège de la Milice de la Mer. Certains pouvaient espérer atteindre le plus haut grade accordé au niveau de l’Armata c’est-à-dire Almirante avec rang de Capo da Mar. Les deux Almiranti sont choisis par les 3 Provveditori all’Armar parmi les comites et maîtres qui ont au moins 10 ans d’ancienneté dans le grade et ont comme fonction de servir de chef d’état major et d’aide de camp, et sont chargé des mouillages (ormeggi) de cette flotte.
Sur les galères et galéasses l’officier le plus important est le comite nommé après au moins 8 ans de service comme sous comite ou pilote. Le Capitano di Nave (capitaine ou patron de navire) jouit d’une plus grande considération sociale comme celui de transporter le cercueil du doge défunt. En l’absence d’un gouverneur patricien il lui arrive de diriger des unités : en 1717 c’est le cas pour 12 des 28 vaisseaux en service. A la différence des galères, c’est le capitaine qui choisit les autres officiers et sous officiers souvent des familiers ou de sa clientèle.
La maistrance est formée d’autres officiers techniciens et des mariniers engagés pour une campagne (système de caporalato). Ce sont globalement des grecs, dalmates et albanais. Une incitation est prise pour former des mariniers Vénitiens en 1677 en envoyant les enfants vagabonds âgés d’au moins 12 ans sur des navires. Sur galère après comite, le sous comite et le pilote (2 sur les galéasses : 1 pour le Levant et 1 le golfe) il y a 12 compagnons (parmi eux le patron de la felouque, le timonier) 6 sous compagnons avec sur les galéasses 8 mariniers et 12 sous-chefs. Sur un navire : 5 officiers (capitaine, amiral, pilote, lieutenant capitaine, chef principal) 3 bas officiers (pilote, gardien, chatelain) 8 sous-chefs pour le service de couverture et de manœuvre des voiles, 4 timoniers, 12 mousses et 115 mariniers. La Casa dell’Arsenale fournit à la galère 6 hommes (remoleur, calfat, charpentier), 12 pour les galéasses et les vaisseaux. L’artillerie des galères relève d’un chef bombardier (2 sur les galères et 4 galéasses) tandis que sur les vaisseaux elle relève des troupes embarquées. Chaque navire porte 1 commandant d’infanterie : en temps de paix sur les galères 1-2 compagnies de 50 hommes choisit parmi les troupes d’Oltremarina. En 1704 les 21 compagnies forment 2 régiments de Marine avec comme base Cattaro et Corfù. En temps de guerre une galère porte un bataillon soit 213 hommes et un vaisseau un régiment soit 500 hommes. Sur les galères, la chiourme varie de 186 à 300 rameurs selon la galère. Certains des gardiens sont des grecs armés d’arquebuses. Jusqu’en 1721, il y a un contingent de galériens libres (66 sur galère sensile et 300 sur la bastarde et une galéasse) choisit dans l’Ordinanza da Mar ou des volontaires. Ordinanza da Mar est composé de tous les hommes de 18-40 ans qui sont obligés d’effectuer un service triennal sur les galéasses ou les vaisseaux. Ceux d’Oltremare (Istrie, Dalmatie, Albanie) suffisent généralement mais en cas de grand danger il est fait appel à ceux de Terre Ferme : jusqu’à la fin de la guerre de Candie 10000 hommes y sont assujettis dont 4000 artisans de Venise et du Dogat et le reste des autres territoires (1200 Brescia, 800 Verone, Padoue et Trévise, 700 Vicenza et Udine, 500 Bergamo, 200 Crema et Rovigo). On peut se faire remplacer en envoyant un volontaire ou un condamné choisit dans les prisons de Venise ou d’état autres comme Mantoue, Modène et les Etats Suisses ou de Bavière. Par ailleurs, afin de ne pas perturber l’artisanat urbain et prélevé un personnel qualifié, le gouvernement favorisa la conversion de la levée personnelle par un impôt. Mais comme il ne veut pas alourdir financièrement la situation des corporations, il exige en 1639 le versement d’acomptes annuels dans un fonds spécial en espèces métalliques conservé à la Monnaie pour les urgences.

CONCLUSION

Au début du 17ème, puissance dominante dans l’Adriatique, Venise se retrouve à la suite des conflits contre les Turcs, réduit à un rang subalterne parmi les marines européennes. Pendant quasiment 230 ans, elle a engagé toute son énergie et ses ressources pour maintenir son emprise et ne pas se laisser détruire par cet ennemi turc mais son déclin est inexorable. Le changement d’orientation des flux économiques et politiques vers les Océans Atlantique et Indien ont eu raison d’elle. La Sérénissime République continuera de maintenir une flotte, réduite, mais faisant d’elle la première puissance maritime italienne pré-unitaire1 et participera aux côtés d’autres flottes à des campagnes de police et de protection des convois contre les pirates : en 1787 lutte contre des corsaires russes, 1790 bombardement de Tunis. Ce renouveau temporaire est l’œuvre d’Angelo Emo.
Après 1718, Venise perds son Dominium Maris sur l’Adriatique. Elle en perd la domination au profit de l’Empire d’Autriche, dernier et réel vainqueur de la guerre avec l’Empire Ottoman, qui entame à ce moment là une politique navale et commerciale offensive en développant notamment le port de Trieste. La confrontation est inéluctable et l’explication entre cet Empire Autrichien et la jeune nation Italienne interviendra en ce XIXè: ce sera la défaite de 1866 de Lissa dont le musée de la marine de Venise garde des traces et les confrontations de 1915-1918. De sa fonction militaire, Venise en garde quelques traces actuellement : l’Arsenal sert de bases à quelques navires, l’unité bataillon San Marco troupe d’élite spécialisée dans les infiltrations, reconnaissance en profondeur et débarquement, héritière d’unité levée et crée lors des conflits contre les Turcs ; et enfin le musée et les projets culturels futurs.

Bibliographie

“ Guerre et paix dans l’Europe du XVIIe siècle ” sous la direction de Lucien Bély, Yves-Marie Bercé, Jean Meyer et René Quatrefages, édition Sedes, 1991, p 148-156.
“ Tra I Borboni e Gli Asburgo. Le Armate terrestre e navali italiane nelle guerre del primo settecento (1701-1732) ” Virgilio Ilari, Giancarlo Boeri et Ciro Paoletti ; editions Nuove Ricerche, 1996, 474 p.
“ Venise une république maritime ” Frédéric C Lane, éditions Flammarion, 1985, 657 p.
“ Les Habsbourg et la mer au XVIIIe siècle ”, Jean Bérenger ; in Etat,Marine et Société hommage à Jean Meyer, sous la direction de Michel Vergé-Franceschi, Martine Acerra, Jean Pierre Poussou et André Zysberg, p 25-34 1995.
“ L’evoluzione della flotta veneziana durante la prima guerra di Morea ”, communications tenues au Séminaire Venezia e il Mediterraneo”, de Guido Candiani I, La guerra di Morea, Venezia, 25 maggio 2001, en cours de publication, consultable sur le site internet www.storiadivenezia.it.
“ Lo sviluppo dell’Armata grossa nell’emergenza della guerra marittima ”, de Guido Candiani communication tenue au colloque Geostrategia e potere marittimo nel Mediterraneo in età moderna: Venezia, Malta e Impero Ottomano, VII giornata di studio, Venezia 27 ottobre 2001; consultable sur www.storiadivenezia.it.
”The Twilight of a military tradition. Italian aristocrats and European Conflitcs 1560-1800” par Gregory Hatton, UCL Press, 1998, 371 p.

Roberto Barazzuti

ANNEXES

Organigramme des officiers de marine

GalèreNavire à voile
Capitano générale da Mar (en temps de guerre)Capitano straordinario delle Navi (en temps de guerre)
Provveditore Generale da MarCapitano ordinario delle Navi
Patron delle galerePatron delle Navi
Almirante delle galereAlmirante delle Navi
Capitano delle galeasse
Capitanon in Golfo
Governatore dei condamnati
Sopracomito o governatoreGovernatori delle nave

Force vénitienne en 1715-1718 dans la guerre de Corfù

1715171617171718
Vaisseaux22272828
Galere22181815
Galeasse2222
Galiote10121013
Brulot243
Eclaireur (mostrasegnale)33
Corvette24
Navire hopital22
Navire de dépôt11
Total56617071

Force auxiliaire dans la guerre de Corfù

171517161717
Portugais vaisseaux77
Pontificaux vaisseaux54
Melitensis vaisseaux4
Espagne galère5
Pontificaux galere444
Melitensi galère235
Toscane galère333
Gênes galère222
Total113325

Melitensi = Malte et vaisseaux = navire de ligne + frégate

Armement des principales unités venitiennes

GalèreGalioteVaisseaux
Canons de 50134
Canons de 30230
Canons de 206
Canons de 1420
Canons de 128
Couleuvrines de 402
Couleuvrines de 2024
Couleuvrines de 1448
Couleuvrines de 124
Fauconnier de 62
Pierriers de 12-144822

Equipage

GalèreGalioteVaisseaux
Mariniers94120165
Chiourme186300
Milice213114506
Equipage503534671

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